Dans ce premier roman-témoignage, Agnès de Clairville s’attaque à un sujet qui touche de nombreuses personnes, celui du viol et du consentement. A partir de son histoire personnelle et du drame qu’elle a vécu, l’auteure nous livre un récit puissant et nécessaire. Une réalité qui s’est imposée à elle 20 ans après les faits. Ce qu’elle avait pris pour de l’amour - aussi toxique soit-il - n’était en réalité que des viols à répétition au sein de son couple.
Arielle, 16 ans, entre en école d’ingénieurs. Inès, sa mère, voit en cette occasion le moment idéal pour réaliser une introspection de son adolescence. Mais dans ce retour vers le passé, des craintes vont se réveiller, et Arielle, au fil des mois passés à l’école va se renfermer sur elle-même et cacher à sa mère l’amour destructeur qu’elle vit avec le fascinant Eric, un homme de six ans son aîné qui n’hésite pas à jouer de ses charmes et à la manipuler à sa guise.
Sex, drugs and rock’n’roll
A 16 ans, Arielle se jette dans la cour des grands et vole de ses propres ailes loin du foyer familial. De bizutages en soirées, elle va découvrir les joies et les débauches de la vie étudiante. Dans ce quotidien frénétique et empreint à la fête, elle fait la rencontre d’Eric. Un homme qui sort du lot et vers lequel elle se sent directement attirée : « Il ponctue chaque toast, chaque blague d’un sourire carnassier aux canines pointues comme celles d’un tigre à dent de sabre, qui exposent à tous son appétit de la vie. Sa barbe courte lui donne un air très mûr à côté des grands ados qui l’accompagnent. C’est lui, le centre de la fête. »
Les soirées s’enchaînent et Arielle et Eric vont rapidement se rapprocher. Vient alors pour Arielle ses premières expériences sexuelles, les premières incertitudes aussi sur sa relation avec la célébrité de l’école. N’était-elle, en fin de compte, qu’une conquête de plus au tableau de chasse du Dom Juan de cette école d’ingé ? Peut-elle le changer et vivre à eux deux une belle histoire ?
L’amour par sidération : L’anéantissement
« - Ecoute Arielle, je suis désolé mais je ne t’aime plus. Il faut que tu récupères tes affaires. Je m’écroule sur l’unique chaise de la pièce, incapable d’aligner trois mots. - Mais… ce n’est pas possible, Eric ! Tu m’avais dit… - Ouais, je sais, je t’ai dit plein de trucs. Je les pensais, en plus. Mais je ne suis pas fait pour rester avec une fille, tu vois, je m’ennuie. Ce n’est pas ta faute, c’est comme ça, c’est moi. »
Anéantie par cette rupture soudaine, Arielle va penser au pire. Son chagrin lui semble alors insurmontable. Cependant, une fois l’annonce de la rupture pleinement digérée, elle va tout tenter pour le rendre jaloux et le reconquérir. Arielle est totalement subjuguée par le charme d’Eric et ne souhaite pas que leur histoire se termine ainsi, en une simple rupture motivée par l’ennui de monsieur. C’est la douleur à vif par cette blessure, que la jeune femme va se jeter une seconde fois dans la gueule du loup et accepter tout ce qu’Eric voudra dans l’unique but de lui plaire et d’être quelqu’un pour lui. Une poupée qui fait oui, une poupée que l’on manie à sa guise, un jouet, amputé de sa personne et de ce qu’il peut ressentir.
Un roman choc, qui ne laisse personne indifférent. Une lecture nécessaire et une voix qui se libère.
« La Poupée qui fait oui », Agnès de Clairville, HarperCollins Traversée, 224 pages, 18 euros